Mémorial des oiseaux migrateurs

Départ inopiné de Gilberte Tripnaux et décès de Paule Sovet-Grombeer

Gisèle Tripnaux s’en va

De façon tout à fait inattendue, après avoir participé à la rétrospective photographique de ce  mercredi, notre amie Gilberte est subitement décédée. C’est un choc qui secoue la résidence. Pour nous remémorer Gilberte, je publie son récit de vie. Gilberte était née le 23 mars 1928.

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Composition de famille :

Père : Joseph, briseur de pierre à la carrière de Lustin. Il avait une petite ferme, des vaches, un cheval, des poules, des fraisiers. Après sa journée, il travaillait à la ferme.  Il avait les yeux bleus, il fumait la pipe de temps en temps, au retour du travail. Il avait un caractère vif, travailleur, cœur d’or, il y avait un fond ardennais en lui, un fond iméptueux. Dans le village, on l’avait surnommé le Chef.

Mère : Maria Goffin, elle s’occupait des enfants, elle travaillait à la petite ferme. Traire, faire le beurre, soigner les bêtes. En fait, il s’agissait, explique-t-elle, moins d’une ferme que d’un petit complément pour aider la famille à subsister. 

La famille : (dans l’ordre chronologique)

Georges, l’aîné, resté célibataire, décédé à 70 ans. Il ne savait ni lire ni écrire, il était un peu retardé. Il a fait sa vie, il a travaillé à la commune. J’en ai eu grand soin, j’ai vécu en bonne entente avec lui. Notre famille d’ailleurs a toujours été une famille très unie.

Marcel, il s’est marié, a eu deux enfants (Jacques, Françoise). Il a travaillé à la carrière de Lustin, il a taillé des pavés pour le pavage des rues. Décédé. Ils sont tous morts, ils m’ont tous abandonnée, cela m’a fait beaucoup, beaucoup de mal. Bien que n’étant pas la plus jeune, je suis la dernière en vie. C’est douloureux.

Elvire, elle s’est mariée, son mari travaillait à la carrière de Purnode. Elle a eu une fille, ma filleule, Josiane, je suis toujours en contact étroit avec elle. Josiane a eu un cancer du sein, elle a perdu son époux, elle a une récidive du cancer. Elle est courageuse, elle veut s’en sortir.

Robert et Gilbert (décédé à six mois, décédé à neuf mois). L’un est mort de convulsions, l’autre d’une pneumonie. Maman disait toujours, « c’étaient les plus beaux ». Ils sont entrés dans la légende familiale, on les évoque, on les prie. Je dis leurs noms tous les jours. J’y pense intensément.

Papa et Maman ont beaucoup souffert de ces deux décès. Papa était entré dans une colère vive, il avait jeté les médicaments à travers la fenêtre. C’était un tempérament. Mes parents ont été meurtris par ces deux décès.

Gilberte, moi.

Josette – Il faut que je vous raconte une petite anecdote à propos de ma sœur : en raison d’une faute de transcription (le secrétaire communal avait écrit Joseph), elle a reçu ses papiers pour aller au service militaire ! Elle travaillait, faisait des ménages. Elle s’est mariée avec Louis, elle a eu un garçon, André, qui est décédé il y a trois ans.

Eugène, entrepreneur, marié, a eu trois enfants. Eric, Michel, Sabine : je suis toujours en contact avec eux. 

Suzanne (ma petite Suzanne). Elle s’est mariée, deux enfants, Nadia et Christine. Suzanne est morte il y a cinq ans. Je suis la dernière.

Mariage des parents :

Mes parents se sont connus durant la guerre 14, Papa travaillait avec les chevaux (vorlet, comme on dit en wallon), Maman au château-ferme de Rostenne. Papa avait dix ans de plus que maman.

Scolarité :

J’ai été très malheureuse à propos de l’école. Je suis née à Lustin. Jusquà l’âge de douze ans, j’ai été à l’école à Lustin. J’ai fait de bonnes primaires. Ensuite, drame de ma vie, on a déménagé à Awagne, dans la maison des grands-parents que nous avons achetée pour 14.000 francs. J’ai dû quitter mon école, mes amies, mon institutrice. Je lui étais très attachée. J’ai été déracinée. J’ai eu beaucoup de mal durant ces séparations. J’ai toujours gardé nostalgie de cette école, de l’institutrice que j’aimais beaucoup. Cette rupture m’a marquée définitivement. J’en ressens encore de la peine aujourd’hui.  

J’ai achevé les primaires à Awagne. (Elle me récite Le Laboureur et ses enfants par cœur. Elle était deuxième de la classe. Elle a eu la désagréable impression qu’une nouvelle élève ne pouvait pas occuper la première place, cela l’a laissée sur un sentiment d’injustice). L’école était moins bonne, lui semblait-il. J’aurais voulu, continue-t-elle, faire des études. Pas de moyens de communication pour aller à l’école. Pour nourrir la famille, j’ai travaillé aux betteraves, aux pommes de terre, j’ai battu à la machine dans les fermes. Je ratissais les bottes, je les plaçais dans la machine. J’étais heureuse de ramener du beurre, de la farine. J’ai beaucoup tricoté, ça me reposait, je tricotais pour la famille. Mais le projet de faire des études a été abandonné, hélas. Mais je ne regrette pas d’avoir apporté de l’aide à ma famille.

Problèmes spécifiques pendant l’enfance :

Les maladies habituelles de l’enfance : – je me souviens de la coqueluche, du son étrange et sec  de ma toux, du nez qui saignait. J’avais dans l’ensemble une bonne santé, je mangeais de tout.

Comment se passait la vie à la maison ?

Il y avait beaucoup d’amour dans la maison, beaucoup de respect et une très bonne entente entre tous. Je me souviens, cette anecdote me revient en parlant, que j’avais tapissé à l’âge de 13 ans, je m’étais appliquée, les raccords étaient impeccables, mais la voisine m’a fait observer que j’avais mis le papier peint à l’envers, c’est entré dans l’histoire familiale. Papa ne s’en est au demeurant jamais aperçu. Enfant, je me sentais heureuse, il y avait un bon climat. 

Mariage et enfants

Mon époux s’appelait Camille Avenière. (Elle pleure, elle est bouleversée). C’était la guerre. Enfant, Camillle et moi jouions en traîneau, nous jouions ensemble dès que j’ai eu 13 ou 14 ans. Au départ, je ne l’aimais pas trop, il avait des sabots et une casquette, il faisait trop âgé bien qu’il eût 17 ans seulement.

Mariage en janvier 46, à Awagne.  Je n’ai jamais regretté mon mariage. J’ai adoré Camille, j’ai été très heureuse avec lui. Il me voulait, il a tenu tête à papa. Papa pensait que nous étions trop jeunes. On ne marie pas des enfants, avait-il répondu à la demande de Camille. Camille s’était mis en colère : par belle ou par laide, Gilberte sera ma femme. Oui, nous nous aimions. Cela ne s’est jamais atténué. Aujourd’hui encore, je rêve tous les jours de lui. Je rêve, il est à mes côtés, j’évite de bouger pour ne pas le réveiller. Je devine sa présence. C’est un rêve.

Nous avons au départ  vécu chez les parents de Camille.

Daniel est né en 46. Camille est parti au service. Il revenait en permission.

Willy est né treize mois plus tard, le 8 août 47. Camille est revenu le jour de la naissance. Il a été démobilisé. Il travaillait à la Casserole, usine d’Anhée. Il a travaillé à Yvoir chez Dessy. Il a été maçon. On a habité à Loyers. Il a pris des cours à l’UP, pour apprendre le dessin industriel. Il a eu son diplôme. Il est devenu chef d’équipe. Il a eu, hélas, un gros d’accident de moto. Il avait trente-cinq ans. Il a heurté un camion de maraîcher qui effectuait une marche arrière. Blessures terribles.  Fracture du crâne, poumon perforé par une côté brisé, strabisme consécutif au choc. Il est resté longtemps sans travailler. On avait trois enfants et la maison en construction. Il ne s’est jamais vraiment bien remis. Il avait des séquelles. Il a retravaillé, en dépit du bon sens.  Il a été opéré des yeux. Le problème était mal  réglé. Il a développé de l’emphysème au poumon perforé, sa santé s’est graduellement détériorée. Il n’a pas été bien protégé ni bien défendu par l’avocat que nous avions engagé. On a observé des dégâts irréversibles. Il est mort à l’âge de 57 ans, j’en avais 54. C’était un homme généreux, d’une très grande gentillesse. Ça a été un déchirement terrible.

Pour nos enfants, je vous l’ai dit, il y a une troisième naissance : Annie est née le 5 octobre 1949. Trois enfants sur quatre ans. Ensuite plus d’enfants.

Notre fils Daniel a été technicien chez Belgacom. Il a deux enfants : Philippe (qui travaille chez Proximus) et Dimitri (chauffagiste indépendant).

Willy a fait carrière aux chemins de fer, il était dessinateur industriel. Il est pensionné. Il a deux enfants d’un premier mariage : Christelle (coiffeuse) et David (boucher). Il s’est remarié et il a eu Laetitia qui professeur de français à Notre-Dame à Namur. (Je les vois tous).

Je me suis, pour ma part, occupé des enfants. Mais j’ai voulu apporter ma contribution à la vie familiale. J’ai travaillé en cuisine dans un château de la région pendant trente-deux. Cela a aidé pour la scolarité des enfants.

Paule Sovet-Grombeer

Paule est entrée le 11 juillet 2017 à La résidence. Elle nous quitte en ce début de mois d’avril, ce dimanche 8 dans l’après-midi.

Ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants

Et les familles apparentées

ont la profonde douleur de faire part du décès de

Madame veuve Hector SOVET

née Paule GROMBEER

à Schaerbeek le 7 juin 1925, décédée à Dinant le 8 avril 2018.

 

Une réflexion sur “Départ inopiné de Gilberte Tripnaux et décès de Paule Sovet-Grombeer”

  1. Merci pour ce beau récit de vie de maman, Gilberte TRIPNAUX. Elle me manque tellement ! Et Merci à toutes les personnes qui ont partagé ces deux ans et demi de vie avec elle à la Résidence Ste Anne. Elle y est entrée avec beaucoup de difficultés car elle devait quitter la maison que « son mari lui avait construite » mais elle s’y est adaptée et a apprécié la sécurité que cela lui apportait.
    Sa fille, Annie !

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